Tunis — Dans une interview accordée à la chaîne de télévision nationale et la radio Chams FM, Youssef Chahed a indiqué que « la question de la candidature au poste de président de la république n’est pas simple ou banale » et que « cela demande des qualités et des compétences exigées du candidat pour ce poste important à la tête de l’État. »
Sur la possible candidature du Ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi à la présidentielle, Chahed a indiqué que ses relations avec le ministre sont bonnes et qu’il ne l’avait pas informé de ses projets politiques.
À propos de ses relations avec le défunt président Béji Caid Essebsi, décédé le 25 juillet, Chahed a affirmé qu’elles étaient « bonnes » lors des cinq derniers mois. Il a fait remarquer que la page du différend a été tournée depuis l’allocution du chef de l’État le 20 mars dernier et son discours devant les participants au congrès de Nidaa Tounes à Monastir le 6 avril 2019, lorsqu’il a demandé aux congressistes de lever le gel dont il faisait l’objet par le bureau exécutif du Nidaa en septembre 2018.
Faisant l’éloge du Président défunt, Béji Caid Essebsi, Chahed a affirmé n’avoir pas « trahi le Président ». « Ceux qui l’ont trahi sont ceux qui lui ont détruit le parti qu’il avait créé », a-t-il estimé.
Chahed a parlé également de ses visites et de ses dernières réunions avec le président défunt, soulignant qu’il n’avait pas parlé à l’ancien président hospitalisé le 28 juin sur le transfert du pouvoir, contrairement aux allégations d’un magazine français.
« Il y avait de la bassesse politique et certaines parties ne voulaient pas que j’entretienne de nouvelles bonnes relations avec le président disparu qui avait l’espoir de me voir réintégrer le parti Nidaa et se souciait de la désunion dans les rangs de nos forces démocratiques », a-t-il ajouté.
Répondant à une question sur le code électoral amendé, approuvé par le Parlement et entériné par l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, mais qui n’a pas été paraphé par le chef de l’État. Il a estimé que cette loi « est désormais caduque, même si nous l’avons soumise au parlement pour assainir la vie politique », démentant qu’elle avait pour objectif de combattre des opposants politiques.
« Cette loi visait à bannir les fraudeurs en matière fiscale, ceux qui avaient des antécédents judiciaires et les corrompus de la vie politique et des élections, y compris les élections législatives », a-t-il expliqué. Il a affirmé que sa guerre contre la corruption ne s’est pas arrêtée et ne se limitait pas simplement à l’incarcération de certains individus, mais « une guerre menée dans un cadre législatif et légal ».
Par ailleurs, Chahed a passé en revue les succès remportés par son gouvernement au cours des trois dernières années, à savoir le début de la reprise du dinar, la réduction du déficit budgétaire passant de 7% en 2016 à 3,9% à la fin de l’année, un taux de croissance de 2,6 en 2018 et la baisse du chômage des diplômés du supérieur.
Il a ajouté que son gouvernement, issue de l’accord de Carthage 1 à l’été 2016, avait trouvé un accord signé plusieurs mois plus tôt avec le Fonds monétaire international (FMI) « plein de nombreuses contraintes ». « Mais il a réussi ces dernières années à éviter la faillite et le pire des scénarios », a-t-il fait remarquer, estimant que les Tunisiens percevront les fruits de l’action du gouvernement au cours des années 2020 et 2021.
Dans le même contexte, le chef du gouvernement a relevé que le modèle de développement en Tunisie n’a pas atteint son fin de cycle et qu’il était nécessaire d’introduire de nombreux changements, notamment la digitalisation et le recours aux sources d’énergies nouvelles et renouvelables tout en préservant le rôle régulateur de l’État.
Par ailleurs, Chahed a évoqué la question du soutien politique de son gouvernement, affirmant qu’il ne dépendait pas seulement du Parlement, mais également de la rue et des partis qui devaient se tenir à ses côtés en expliquant aux Tunisiens les décisions et les choix du gouvernement qui « fait face encore à un grand nombre d’obstacles ».
Au sujet de ses relations avec les partis et à sa réconciliation avec leurs dirigeants, il a indiqué qu’il rencontrerait bientôt plusieurs d’entre eux, notamment Mohsen Marzouk, Mehdi Jomaa et Salma Loumi, soulignant que son « identité politique est claire et qu’il est nécessaire de continuer à construire l’État qui a débuté avec le défunt président Habib Bourguiba, » dans un climat démocratique, démentant que « la démocratie instaurée par la révolution de janvier 2011 soit la cause des problèmes de la Tunisie ».
En réponse à une question sur des accusations à son encontre d’avoir utilisé son influence en tant que chef du gouvernement pour fonder le parti Tahya Tounes, Chahed a estimé que le parti « était une nécessité », indiquant avoir tenté avec d’autres de réformer Nidaa Tounes. « La Tunisie faisait face à une situation alarmante si ce parti n’avait pas été crée », a-t-il estimé, affirmant qu’il bénéficie actuellement d’un soutien parlementaire à travers le bloc de la coalition nationale formée de 45 députés.
Youssef Chahed a également souligné l’existence d’une « séparation entre l’appareil d’État et ce nouveau parti, » et l’absence de toute interférence dans le gouvernement, dont les membres appartiennent à d’autres partis tels que Ennahdha, « Machrouu Tounes et Nidaa Tounes », tout en niant être inféodé au parti islamiste, Ennahdha, représenté par quatre ministres seulement, avec qui il affirme toutefois avoir des divergences.
« Le vrai conflit est celui des générations. Il y a toute une classe politique qui m’a attaquée dès ma nomination par le président de la république défunt en 2016 pour former un gouvernement d’union nationale », a-t-il déploré, affirmant vouloir mener une bataille pour « imposer les jeunes dans la vie politique tunisienne ».