C’est le verdict prononcé, hier, par la cour d’assises des Alpes-Maritimes à l’encontre de Hamadi Klai, 53 ans, rapporte Nice-Matin. La première journée du procès d’Hamadi Klai, un chauffeur de bus de 54 ans, n’a pas permis d’expliquer pourquoi, en 2014, il avait tué son frère Karim, à coups de pierre.
De noir vêtu, Hamadi Klai, l’aîné d’une fratrie de dix, 54 ans, est jugé pour avoir assassiné à coups de pierre Karim, l’un de ses frères, le 4 octobre 2014, dans une forêt près de Grasse sur la Côte d’Azur. C’était le jour de l’Aïd, fête que cette famille franco-tunisienne, musulmane pratiquante, se réjouissait de célébrer.
Avant que la cour d’assises ne parte délibérer, il est d’usage de donner la parole à l’accusé. Hamadi Klai, 53 ans, l’air sombre, prend le micro pour revenir sur des détails.
Il rappelle que la rumeur d’adultère, trois jours avant la mort de Karim Klai, est à l’origine du drame familial. Pas un mot pour son frère qu’il a massacré à coups de pierre, le 4 octobre 2014, dans une forêt entre SaintVallier-de-Thiey et Saint-Cézaire-sur-Siagne.
Aucun remords, aucune compassion à l’adresse d’Aïda, veuve de Karim, femme admirable de dignité et mère de quatre orphelins. Mercredi matin, à l’heure des plaidoiries, Me Adam Krid, avocat de la partie civile, rappelle qu’il n’y a « ni amour ni fraternité » dans ce dossier, « mais une lapidation ».
Un meurtre quasi rituel en ce jour de l’Aïd, censée être la fête du pardon. Hamadi Klai, chauffeur de bus en arrêt de travail prolongé, aîné d’une fratrie de dix, tenait ses frères dans une soumission totale. Y compris Karim, chef d’entreprise de 39 ans, dont la réussite attisait la jalousie.
Me Krid imite l’accusé: «Je suis le Sidi, le Seigneur, et je n’accepte pas qu’on me dise non. Or quand Hamidi, déjà endetté, demande une fois de plus de l’argent, Karim dit non. » « Hamidi a tué un homme mais aussi l’honneur d’une femme avec cette rumeur d’adultère. Parce qu’il fallait bien légitimer son crime », dénonce Me Krid.
« Enfant gâté »
« Dans une famille soudée par ses traditions et sa foi, le meurtre d’un frère, jour de l’Aïd est une horreur supplémentaire », souligne pour sa part l’avocat général Annabelle Salauze. Le magistrat de l’accusation requiert vingt-cinq ans de réclusion criminelle assortie d’une peine de sûreté. Annabelle Salauze relève « trois versions différentes des faits » dans la bouche de l’accusé. « Elles se sont édulcorées au fil du temps. Les pierres étaient de plus en plus petites, lancées avec de moins en moins de force. » Pas de quoi expliquer cinq impacts et un crâne en morceaux.
L’avocat général Salauze fait référence à Abel et Caïn, mythe fondateur des trois religions révélées. Hamadi, dans la peau de Caïn, le fils aîné meurtrier, « enfant gâté, enfant roi à qui tout était dû », a abandonné Karim à l’agonie tout en refusant de dire à ses proches, rongés d’inquiétude, où il se trouvait. Blessé après avoir provoqué sciemment un accident de la route, il n’avouera son crime que le lendemain à un médecin.
« Chape de plomb »
« Je pense qu’au fond de lui, Hamadi ne sait pas comment il a pu en arriver à enlever la vie de son frère », observe, pour la défense, Me Audrey Vazzana. La pénaliste conteste à la fois la préméditation et même la volonté meurtrière d’Hamadi Klai, « homme au passé irréprochable». Me Vazzana s’appuie largement sur une expertise psychiatrique étonnamment favorable: « L’expert parle d’un geste d’impulsivité, réactionnel », « d’un homme au discours authentique, capable de résilience et de remise en cause ».
Une dette de 2 000 euros suffirait-il, comme l’avance la partie civile, à expliquer un tel déchaînement de violences ? Me Franck De Vita n’y croit pas une seconde : « Il y a une chape de plomb dans ce dossier. » Chez les Klai, famille musulmane très pratiquante au fonctionnement archaïque, le linge sale se lave en famille. La solennité de la cour d’assises n’a pas suffi à laisser éclater la vérité. Les circonvolutions de l’accusé, les non-dits des témoins ont souvent perdu les jurés.
Me De Vita rappelle que « l’adultère, chez les Klai, c’est la honte, le déshonneur absolu »:« Imaginez la tension dans cette famille par rapport à cette allégation. Karim ne dort plus, ne mange plus. Et la thèse de l’adultère serait farfelue ? ». L’avocat niçois conteste, à son tour, fermement la préméditation et hausse le ton : « Où est le guet-apens, le dessein, l’organisation ? Soit c’est un acte réactionnel comme le disent les experts, soit c’est organisé. Il faut choisir ! » La cour d’assises, présidée par Benoît Delaunay, a tranché en abandonnant la thèse de l’assassinat insuffisamment démontrée, pour retenir celle d’un homicide volontaire.
Crime pour lequel Hamadi Klai a été condamné, dans un silence pesant, à dix-neuf ans de réclusion.