Le FMI a dĂ©cidĂ© de durcir le ton en matière de lutte contre la corruption en Ă©valuant de manière plus systĂ©matique le phĂ©nomène dans ses pays membres et en les encourageant Ă s’attaquer aussi aux acteurs privĂ©s.
Le Fonds monĂ©taire international, qui a reconnu, dimanche, avoir manquĂ© de « clartĂ© par le passĂ© dans ce domaine », a adoptĂ© un nouveau cadre rĂ©glementaire pour permettre Ă ses Ă©quipes, via leurs missions annuelles sur le terrain, d’Ă©valuer de manière rĂ©gulière « la nature et la gravitĂ© de la corruption ». Et ce, dès le 1er juillet.
La corruption affecte tous les pays dans le monde, le secteur public comme le secteur privĂ©. Elle sĂ©vit en outre Ă tous les Ă©chelons de la sociĂ©tĂ©, comme l’illustre la condamnation rĂ©cente de l’ancien prĂ©sident brĂ©silien Lula Ă plus de 12 ans de prison pour corruption passive et blanchiment d’argent.
« Nous savons que la corruption affecte les pauvres (…), sape la confiance dans les institutions », a commentĂ© la directrice gĂ©nĂ©rale du FMI, Christine Lagarde, qui participait dimanche Ă une confĂ©rence sur le phĂ©nomène.
La corruption engloutit surtout chaque annĂ©e 2% de la richesse mondiale et nuit au partage Ă©quitable de la croissance Ă©conomique, avait dĂ©jĂ estimĂ© l’institution de Washington dans un rapport publiĂ© il y a deux ans. A eux seuls, les pots-de-vins versĂ©s chaque annĂ©e dans le monde totalisent entre 1.500 Ă 2.000 milliards de dollars, soit pas loin du produit intĂ©rieur brut (PIB) français, avait-il alors dĂ©taillĂ©.
Pays riches et en développement sont concernés mais ce sont les populations les plus défavorisées qui en sont les premières victimes parce que celles-ci dépendent davantage de services publics plus coûteux en raison de la corruption.
« La corruption est un problème qui implique de nombreux acteurs et qui est multidimensionnel », a soulignĂ© Lea Gimenez, ministre des finances du Paraguay, un pays d’AmĂ©rique du sud submergĂ© par la corruption. MalgrĂ© une politique de lutte contre la corruption endĂ©mique, le Paraguay restait classĂ© 135e sur 180 pays en 2017 par Transparency International.
Secteur minier et construction
« Face Ă la corruption experte dans l’art de la dissimulation, nous devons Ăªtre transparents », a-t-elle encouragĂ©.
« Nous ne devons pas interfĂ©rer dans la politique (des pays) mais lorsqu’il en va de problĂ©matiques macroĂ©conomiques (…), lorsque nous nĂ©gocions le dĂ©but d’un programme (d’aide financier), nous avons toute la lĂ©gitimitĂ© pour agir », a arguĂ© Christine Lagarde, anticipant d’Ă©ventuelles critiques.
Elle a ainsi soulignĂ© que l’Ă©laboration d’un programme d’aide pouvait Ăªtre l’occasion « de mettre un maximum de pression pour exiger des informations complètes ».
Le FMI n’a pas de pouvoir policier en matière de corruption mais il peut exercer une certaine pression via ses programmes d’aide financier. Il a ainsi conditionnĂ© le dĂ©blocage de fonds supplĂ©mentaires pour l’Ukraine non seulement Ă la mise en oeuvre de rĂ©formes mais encore Ă de rĂ©els progrès dans sa lutte contre la corruption omniprĂ©sente dans le pays.
« La corruption prospère dans l’obscurité », a ajoutĂ© Christine Lagarde, se fĂ©licitant que les Ă©quipes du FMI avaient obtenu du comitĂ© de direction le feu vert « pour Ăªtre plus intrusifs ».
Fait nouveau, le Fonds va s’attaquer aux acteurs privĂ©s, dont les multinationales, qui se livrent Ă des pratiques de corruption ou qui contribuent au blanchiment d’argent.
Pour ce faire, il encourage les pays membres « à se prĂªter volontairement Ă une Ă©valuation de leurs dispositifs juridiques et institutionnels » dans le cadre des missions annuelles de surveillance du FMI.
L’institution va examiner en particulier « s’ils criminalisent et jugent le versement de pots-de-vin Ă des fonctionnaires Ă©trangers et s’ils disposent de mĂ©canismes adĂ©quats pour Ă©radiquer le blanchiment et la dissimulation d’argent sale ».