Paris, (Reuters) — Des incidents se sont produits mardi soir dans le nord de Paris lors d’un rassemblement à la mémoire d’Adama Traoré, un jeune homme noir de 24 ans mort en 2016 dans des conditions controversées lors d’une opération de police que ses proches comparent au décès de l’Américain George Floyd la semaine dernière lors de son interpellation par la police de Minneapolis.
La violence n’a pas sa place en démocratie.
Rien ne justifie les débordements survenus ce soir à Paris, alors que les rassemblements de voie publique sont interdits pour protéger la santé de tous.
Je félicite les forces de sécurité & secours pour leur maîtrise et leur sang-froid.— Christophe Castaner (@CCastaner) June 2, 2020
La préfecture de police de Paris, qui avait interdit la tenue de cette manifestation en invoquant des risques de trouble à l’ordre public ainsi que l’état d’urgence sanitaire, a appelé les manifestants à se disperser.
Un incendie a été allumé sous le périphérique au niveau de la porte de Clichy, peut-on voir sur des images filmées par une équipe de Reuters TV tandis que plusieurs manifestants déplaçaient des barrières de chantier. Les pompiers sont intervenus et les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser les manifestants.
Peu avant 23h00 (21h00 GMT), la préfecture de police a indiqué que la manifestation était en cours de dispersion. « Quelques dégradations et feux rapidement maîtrisés. Un blessé pris en charge par les pompiers. Quelques groupes de manifestants se maintiennent dans le secteur », précise-t-elle sur son compte Twitter.
« Revolution has come ! Time to pick up the gun !"@Camelia_Jordana chante contre les violences policières durant le rassemblement #JusticePourAdama pic.twitter.com/wlMwPA2m6S
— Clément Lanot (@ClementLanot) June 3, 2020
« La violence n’a pas sa place en démocratie », a déclaré pour sa part le ministre de l’Intérieur, Christopher Castaner, s’exprimant lui aussi sur Twitter. « Rien ne justifie les débordements survenus ce soir à Paris, alors que les rassemblements de voie publique sont interdits pour protéger la santé de tous », ajoute le ministre, qui “félicite les forces de sécurité et les secours pour leur maîtrise et leur sang-froid ».
L’appel à manifester sur le parvis du nouveau Palais de justice de Paris avait été lancé il y a plusieurs jours sur les réseaux sociaux.
Adama Traoré est mort en juillet 2016 dans une caserne de gendarmerie de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise).
Ses proches soutiennent qu’il a péri asphyxié au cours de son immobilisation par des gendarmes et se disent victimes d’un « déni de justice ».
Ils voient un parallèle avec la mort de George Floyd la semaine dernière lors de son interpellation par des policiers de Minneapolis, qui a provoqué à travers les États-Unis un vaste mouvement de colère contre les violences policières contre des Noirs, émaillé d’incidents violents à travers les États-Unis.
« J’ai été choquée et directement renvoyée à l’horreur qu’a subie mon petit frère Adama, lorsque j’ai découvert les images montrant George Floyd au sol, sous le genou d’un policier qui l’étouffait », a déclaré sa soeur, Assa Traoré, mardi sur le site de l’Obs.
« Cette tragédie fait directement écho à celle que ma famille vit depuis quatre ans. Les circonstances se ressemblent beaucoup. Adama était un jeune homme noir, d’une carrure similaire à celle de George Floyd. Il a étouffé sous le poids de trois gendarmes », ajoute-t-elle.
Expertise judiciaire
Ils s’appuient sur une nouvelle expertise judiciaire, révélée par plusieurs médias dont France Info et Le Parisien, mandatée par la famille pour se pencher sur une contre-expertise judiciaire médicale qui disculpait les gendarmes.
« Adama Traoré leur a dit qu’il a dit qu’il n’arrivait pas à respirer, ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les gendarmes. Donc nous avons la certitude aujourd’hui que le décès d’Adama Traoré résulte du plaquage ventral des gendarmes », a déclaré mardi soir sur BFM TV l’avocat de la famille Traoré, Yassine Bouzrou.
D’autres expertises judiciaires ont imputé sa mort à son état de stress et à son état de santé, écartant la technique d’immobilisation des gendarmes.
« Ce n’est pas une expertise judiciaire, c’est un avis médical qui est produit par la famille », a réfuté Rodolphe Bosselut, avocat de deux des trois gendarmes, également interrogé par BFM TV, qui a rappelé que trois expertises judiciaires « contradictoires » avaient déjà été réalisées et que “toutes les trois exonèrent complètement les militaires”.
« J’ai l’impression que la famille Traoré qui n’a pas la vérité judiciaire qu’elle souhaiterait et qui n’a pas le dossier qu’elle imagine a décidé de déplacer ce dossier sur le plan médiatique et d’essayer de trouver sur le plan médiatique un avantage qu’elle n’obtient pas sur le plan judiciaire », a-t-il ajouté.
Des sources policières citées par BFM TV ont évalué à 20.000 le nombre de personnes qui se sont rassemblées mardi soir à Paris.
Yonathan van der Voort et Reuters TV; version française Henri-Pierre André