Le 10 décembre, Aaron Zelin et Jacob Walles ont pris la parole lors d’un forum politique organisé au Washington Institute dans le cadre d’une longue série de conférences sur le thème du terrorisme. Jacob Walles ex-ambassadeur des États-Unis en Tunisie et conseiller principal sur les combattants étrangers au sein du bureau de la lutte contre le terrorisme du département d’État américain. Ce qui suit est le résumé de ses remarques par le rapporteur.
Webcast starting: #Tunisia's foreign fighters, the thousands of young Tunisians who mobilized for jihad in #Syria & #Iraq who are now returning home – featuring @azelin & Amb Jacob Walles https://t.co/2ivxwrW8lk
— Washington Institute (@WashInstitute) December 10, 2018
Pendant des années, il n’ya pas eu de bonne réponse à la question « Pourquoi autant de combattants étrangers sont-ils originaires de la Tunisie?». Heureusement, la nouvelle étude d’Aaron fournit de nombreux détails nécessaires pour combler cette lacune, soulignant la situation unique de la Tunisie en tant que pays combattant le terrorisme et le radicalisme en pleine transition démocratique.
Deux aspects de son étude méritent une attention particulière. Premièrement, il aborde l’éventail complexe des raisons de l’origine du phénomène. Deuxièmement, il offre un décompte précis des combattants tunisiens qui se sont rendus en Syrie et en Irak.
Au lendemain de la révolution de 2011, plusieurs événements politiques majeurs ont ouvert la voie à l’émergence de ces combattants en provenance de Tunisie. La même année, le gouvernement proclama l’amnistie de tous les prisonniers politiques, ce qui libéra de nombreux djihadistes dangereux. Dans le même temps, la transformation des forces de sécurité à la suite de l’éviction du président Zine al-Abidine Ben Ali a réduit la capacité de l’État à traiter ces djihadistes, ce qui a contribué aux problèmes qui ont suivi.
Et comme mentionné précédemment, le gouvernement de la Troïka de 2012-2013 a initialement toléré les activités djihadistes. Ces facteurs ont permis à ces groupes radicaux de se former, de recruter de nouveaux membres, de faciliter leurs déplacements en Libye, en Syrie et en Irak et, éventuellement, d’organiser des attaques terroristes en Tunisie.
La réponse du gouvernement comportait quatre phases. Au cours de la première (2011 à septembre 2012), Ansar al-Charia et d’autres groupes radicaux ont été autorisés à s’organiser à découvert et à envoyer leurs combattants rejoindre ce qui était alors considéré comme un combat légitime contre le régime syrien d’Assad. Au cours de la deuxième phase (2012-2014), le gouvernement s’est rendu compte qu’il y avait un problème lorsque ces groupes radicaux ont commencé à mener des opérations terroristes en Tunisie – à commencer par l’attaque de l’ambassade des États-Unis en septembre 2012, suivi de deux assassinats politiques de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Au cours de la troisième phase (2014-2015), le gouvernement technocrate dirigé par Mehdi Jomaa a entamé une coopération beaucoup plus étroite avec les États-Unis et d’autres partenaires étrangers. Une nouvelle loi anti-terroriste a été adoptée en 2015 et la capacité des forces de sécurité à faire face au terrorisme s’est améliorée. Ces contraintes internes ont incité les djihadistes à délocaliser leurs opérations à l’étranger. L’augmentation du nombre de combattants étrangers en Libye, en Syrie et en Irak a coïncidé avec la montée de l’EI.
La quatrième phase (de 2014 à aujourd’hui) a vu le recentrage sur les rapatriés, les Tunisiens débattant publiquement de la manière de les traiter. Le gouvernement se rend compte qu’une approche basée sur la sécurité est insuffisante, mais il n’a pas beaucoup avancé vers une approche plus globale. Bien que la situation se soit grandement améliorée par rapport à 2012-2013 et que la Tunisie n’ait pas subi d’attaque majeure depuis novembre 2015, peu de mesures ont été prises pour s’attaquer aux facteurs sous-jacents de la mobilisation. Le gouvernement est maintenant en mesure de reconnaître les rapatriés aux postes frontières officiels, mais il n’a pas de plan d’action à suivre une fois qu’ils ont été identifiés, et ses forces de sécurité ne disposent pas des moyens nécessaires pour les surveiller. Pendant ce temps, les prisons surpeuplées du pays continuent de servir de terreau pour les djihadistes.