Tripoli (avec Reuters) – Mabrouk Ahmed devait veiller toute la nuit pour empĂªcher les gens de jeter leurs ordures dans la grande rue qui passe devant son domicile, au sud de la capitale libyenne, Tripoli. Quelques centaines de mètres plus loin, Ă cĂ´tĂ© des supports en bĂ©ton d’un pont inachevĂ©, des tas d’ordures empilĂ©es plus haut que les voitures qui passaient couvent au bord de la route.
L’accumulation d’ordures, qui, selon les habitants, a atteint un niveau sans prĂ©cĂ©dent ces dernières semaines avant de faiblir lĂ©gèrement, reflète le dĂ©clin constant des services publics dans une ville isolĂ©e de son arrière-pays – et du plus grand site d’enfouissement – par une offensive militaire vieille de six mois.
Depuis que les forces basĂ©es dans l’Est dirigĂ©es par Khalifa Haftar ont lancĂ© une campagne pour capturer Tripoli dĂ©but avril, il est devenu impossible d’accĂ©der au principal site d’enfouissement de la ville, Ă Sidi al Sayih, Ă environ 50 km au sud du centre.
Les autorités municipales ont commencé à déposer des déchets de Tripoli à un point de transit dans le district d’Abou Slim. Quand il a commencé à déborder, les responsables ont essayé de réduire la consommation, provoquant une accumulation de déchets dans les rues de nombreux quartiers.
En rĂ©ponse, des personnes ont brandi des pancartes menaçant la violence ou faisant des invocations religieuses pour mettre fin au dĂ©versement d’ordures. D’autres dĂ©posent des bidons d’eau et des pneus en plastique sur les trottoirs près de leurs magasins ou de leurs maisons, ou les encerclent avec du ruban adhĂ©sif.
« Ne jetez pas vos ordures ici », peut t-on sur une pancarte Ă Al-Hadba, le district oĂ¹ habite Ahmed, un agent de santĂ© Ă¢gĂ© de 38 ans. « Si je ne garde pas un Å“il de huit heures du matin Ă minuit, ils jettent leurs ordures dans la rue », a-t-il dĂ©clarĂ©. «Il y a beaucoup d’effets nocifs. Quand ils y mettent le feu, vous ne pouvez pas vous asseoir devant votre maison. La fumĂ©e pĂ©nètre mĂªme dans la maison.
Paralysie politique
En dĂ©pit des combats sporadiques qui se poursuivent Ă la pĂ©riphĂ©rie de la ville, la vie dans le centre de Tripoli se poursuit pratiquement comme avant. Des camions de ramassage des ordures et des balayeuses de rue sont au travail et les routes de certains quartiers plus riches sont propres. Mais les infrastructures de la ville de trois millions d’habitants ont Ă©tĂ© progressivement dĂ©truites par un conflit intermittent et une paralysie politique depuis le soulèvement de la Libye en 2011.
Le gouvernement de Tripoli, reconnu internationalement, bloquĂ© depuis sa crĂ©ation en 2016 par le rejet de rivaux Ă l’est et de puissants groupes armĂ©s locaux, lutte pour sa survie. Un afflux de dizaines de milliers de personnes dĂ©placĂ©es par la bataille en cours a mis Ă rude Ă©preuve les services, bloquant certaines Ă©coles et augmentant les loyers.
Les camions dĂ©chargent maintenant sur le site d’Abou Slim en grimpant sur une montagne de dĂ©chets d’une hauteur de 25 mètres. Ă€ mesure que de nouvelles livraisons arrivent, des rĂ©cupĂ©rateurs de dĂ©chets – principalement des migrants africains avec des chiffons enroulĂ©s autour du visage pour contrer la puanteur – plongent dans le but de rĂ©cupĂ©rer du plastique, du carton et des mĂ©taux.
« Nous sommes en train de ranger les dĂ©chets pour avoir plus d’espace », a dĂ©clarĂ© Oraby Moussa, un superviseur. Le dĂ©potoir jouxte des immeubles oĂ¹ les gens doivent garder les fenĂªtres fermĂ©es pour Ă©viter les Ă©manations toxiques, a dĂ©clarĂ© un habitant, Ibrahim Bouzaid, qui avait rĂ©uni environ 500 signatures demandant que les dĂ©chets soient dĂ©placĂ©s.
«Il y a des mauvaises odeurs, des germes, des insectes. C’est un gros problème et maintenant cela devient ingĂ©rable », a dĂ©clarĂ© Bouzaid. « Il y a des cas d’asthme, de maladies respiratoires, (y compris) d’enfants. »
Safia Labsir, une pharmacienne, a indiquĂ© Ă Fashloum, dans un quartier central, qu’elle Ă©tait intervenue pour empĂªcher quelqu’un d’enflammer les dĂ©chets Ă l’extĂ©rieur de sa pharmacie pour s’en dĂ©barrasser. « Je prĂ©fĂ©rerais respirer l’odeur plutĂ´t que d’y mettre le feu et provoquer un dĂ©sastre », a-t-elle dĂ©clarĂ©.