Le prĂ©sident BĂ©ji CaĂ¯d Essebsi a accentuĂ© sa mainmise sur le gouvernement lors du rĂ©cent remaniement opĂ©rĂ© par son Premier ministre Youssef Chahed, qui doit obtenir lundi la confiance du Parlement, Ă l’approche d’échĂ©ances Ă©lectorales.
Issu du parti Nidaa Tounès, fondé en 2012 par le chef de l’Etat, M. Chahed, plus jeune chef de gouvernement de l’histoire moderne du pays, devrait obtenir aisément la faveur des députés: sa formation et les islamistes d’Ennahdha sont majoritaires au Parlement et alliés au sein du gouvernement.
En annonçant le 6 septembre un vaste remaniement, Youssef Chahed a dĂ©crit un « gouvernement de guerre ». « Il continuera Ă mener les mĂªmes batailles: guerre contre le terrorisme, la corruption, pour la croissance, contre le chĂ´mage et les inĂ©galitĂ©s rĂ©gionales », a-t-il promis en Ă©grenant les multiples dĂ©fis de l’unique pays rescapĂ© du Printemps arabe.
Mais, pour des observateurs, cette dĂ©cision politique a aussi marquĂ© une accentuation de l’emprise du chef de l’Etat sur l’exĂ©cutif, Ă quelques mois des premières municipales post-rĂ©volution et Ă deux ans des lĂ©gislatives et prĂ©sidentielle. La nouvelle Ă©quipe compte des hommes rĂ©putĂ©s de confiance du prĂ©sident et consolide la prĂ©sence de Nidaa Tounès, qui avait portĂ© BĂ©ji CaĂ¯d Essebsi Ă la victoire en 2014.
Tirer les ficelles depuis le palais
Le nouveau ministre des Finances Ridha Chalghoum -ex-ministre du dictateur dĂ©chu Zine El Abidine Ben Ali- Ă©tait conseiller de M. Essebsi, tout comme le nouveau titulaire de la SantĂ©, Slim Chaker. Le ministre de la DĂ©fense, Abdelkrim Zbidi, occupait ce mĂªme poste lorsque M. Essebsi Ă©tait Premier ministre en 2011.
BĂ©ji CaĂ¯d Essebsi, 90 ans, « place ses hommes », rĂ©sume le journal francophone Le Quotidien, pour lequel il est Ă©vident que « c’est le prĂ©sident qui tire les ficelles ». « Il contrĂ´le dĂ©sormais le gouvernement et son travail (…) et a mis ses disciples Ă la tĂªte de certains ministères », a renchĂ©ri le dĂ©putĂ© du Front populaire (gauche, opposition), Jilani Hammami.
Interrogé par l’AFP, l’analyste indépendant Selim Kharrat nuance: M. « Essebsi avait les choses (déjà ) en main bien avant ce remaniement (…). La seule différence, c’est que c’est beaucoup plus flagrant cette fois-ci et que la présidence s’en cache à peine ».
A ce jour, le prĂ©sident n’a donnĂ© aucune indication sur ses intentions au terme de son mandat de cinq ans, en 2019. Parmi ses dĂ©tracteurs, de nombreuses voix s’inquiètent des prĂ©tentions de son fils, Hafedh CaĂ¯d Essebsi, lui-mĂªme dirigeant influent de Nidaa Tounès.
Dans un pays encore marquĂ© par des dĂ©cennies de dictature, plusieurs partis et personnalitĂ©s ont en outre critiquĂ© l’entrĂ©e au gouvernement d’anciens ministres de Ben Ali. Le jour-mĂªme du remaniement, BĂ©ji CaĂ¯d Essebsi a accordĂ© un entretien Ă deux quotidiens nationaux, dans lequel il a appelĂ© Ă revoir le système politique post-rĂ©volution, qu’il accuse de « paralyser pratiquement l’action du gouvernement ».