Tunis, — Le 13 août 1956, Habib Bourguiba, alors Premier ministre et futur président de la Première République Tunisienne, consacre tout son discours à son nouveau projet du nouveau Code du statut personnel (CSP).
Décrit comme « une réforme radicale » et qu’il allait faire du mariage une « affaire de l’État, » un acte qui doit être supervisé par le droit public et la société dans son ensemble ».
Rédigé par un collège d’une quinzaine de juristes, sous la présidence d’Ahmed Mestiri, le CSP sera voté dans la foulée avant même la rédaction de la Constitution de 1959. Regroupé en douze tomes, il donnera ainsi à la femme tunisienne un statut inédit dans le monde arabe.
Promulgué le 13 août 1956 par décret beylical de Lamine Bey, le CSP entre en vigueur le 1er janvier 1957. Cet acte s’inscrit dans une série de réformes qui touche d’autres aspects de l’impact de la religion sur la société.
L’élément nouveau et révolutionnaire qui marque cette nouvelle loi, c’est l’interdiction de la polygamie. Il est ainsi mis un point final à une vieille tradition qui a trop longtemps sévi dans le pays, dont souffraient toutes les classes de la population et qui constituaient un défi à la justice et à la dignité humaine.
Avec l’adoption du CSP, la polygamie est interdite. La tutelle matrimoniale est supprimée et le mariage par consentement mutuel instauré. Le CSP met fin aux mariages précoces et autorise le divorce. « Le code du statut personnel est un acquis fondamental de la personnalité de la nation tunisienne », affirme le juriste Jean-Philippe Bras, professeur de droit à l’université de Rouen, spécialiste du Maghreb.
Ce texte qui consacre l’égalité entre hommes et femmes (à l’exception notable de la question de l’héritage) est le premier grand texte fondateur de la jeune Tunisie indépendante promulgué le 13 août 1956, soit à peine cinq mois après la proclamation de l’indépendance le 20 mars 1956.
Il faudra attendre un an pour que la monarchie soit abolie en juillet 1957, et trois ans pour que le pays se dote d’une Constitution en novembre 1959 et élise son président, Habib Bourguiba.
« Le texte a été peu discuté, Habib Bourguiba l’a fait passer en force », rappelle Jean-Philippe Bras. Le père de l’indépendance était le chef de file des modernistes héritiers de la mouvance réformiste qui avait gagné les sphères intellectuelles du monde arabe dès la fin du XIXe siècle.