Tunis – Le nouveau gouvernement tunisien, approuvé par le Parlement le 27 février 2020, devrait faire des droits humains une priorité, selon Human Rights Watch. Le gouvernement devrait protéger les droits fondamentaux dans huit domaines clés soit : la fin des poursuites pénales pour les discours pacifiques ; les arrestations arbitraires par la police ; les abus commis dans le cadre de l’état d’urgence ; la violence contre les femmes ; la persécution des homosexuels et l’établissement des responsabilités pour les violations passées des droits humains ; la réforme des secteurs judiciaire et de la sécurité ; et l’autorisation du rapatriement des enfants des combattants tunisiens de l’État islamique bloqués à l’étranger.
#Tunisie : Le nouveau gouvernement, approuvé par le Parlement le 27 février, devrait agir pour renforcer la protection des #droitshumains fondamentaux, y compris la #libertédexpression, les droits des #femmes et les droits #LGBT, selon HRW. https://t.co/Szqz4JLWv9 @aguellaa
— HRW en français (@hrw_fr) February 28, 2020
« Neuf ans après le soulèvement qui a provoqué le renversement de l’ancien président Ben Ali, les Tunisiens attendent toujours de voir tous leurs droits consacrés par la loi », a déclaré Amna Guellali, directrice du bureau de Tunis de Human Rights Watch. « Le nouveau gouvernement devrait rectifier des lois obsolètes abusives et apporter d’autres changements essentiels pour préserver la transition démocratique et faire respecter les droits humains des Tunisiens. »
#Tunisie 9 ans après le soulèvement qui a provoqué le renversement de l’ancien président Zine el Abidine Ben Ali, les Tunisiens attendent toujours de voir tous leurs droits consacrés par la loi https://t.co/BTk6Unm8mC
— amna guellali (@aguellaa) February 28, 2020
À la suite des élections législatives et présidentielles qui se sont tenues les 6 et 13 octobre 2019, respectivement, le président Kaïs Saïed a chargé Habib Jemli de former un gouvernement. Arrivé en tête des législatives avec 52 sièges sur 217, le parti Ennahda avait nommé comme Premier ministre Jemli, secrétaire d’État à l’agriculture de 2011 à 2014. Suite au refus du parlement d’accorder la confiance au gouvernement propose par Jemli, le président Saied a designé un nouveau chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, qui fut le ministre de l’économie de 2011 à 2014. Le 27 février, le Parlement a voté la confiance au gouvernement de Fakhfakh, qui est composé de 32 ministres et secrétaires d’État, y compris 6 femmes.
En vertu de la Constitution de 2014, le président et le chef du gouvernement exercent tous deux des pouvoirs exécutifs. Le chef du gouvernement détermine « la politique générale de l’État » et exerce des pouvoirs réglementaires généraux en adoptant des décrets.
La Tunisie a fait d’importants progrès dans la protection des droits humains depuis 2011. Les autorités ont adopté une nouvelle constitution progressiste, organisé des élections législatives et présidentielles libres et équitables, adopté des lois pour améliorer la condition de la femme et la protection juridique des détenus.
Pourtant, de graves violations des droits sont commises et des lacunes dans la protection juridique des droits persistent. L’absence de directives écrites sur les circonstances dans lesquelles les forces de sécurité peuvent procéder à une arrestation entraîne souvent des détentions arbitraires. Malgré les progrès réalisés dans le domaine de la justice transitionnelle grâce à la création de tribunaux spécialisés pour juger les auteurs présumés de violations des droits humains perpétrées dans le passé, la justice n’a pas été vraiment rendue en l’absence d’accusés qui ont pu boycotter la plupart de ces procès sans conséquences.
Les procureurs poursuivent en justice blogueurs, journalistes et activistes sur les réseaux sociaux, en vertu d’articles du code pénal criminalisant la liberté d’expression. Les tribunaux emprisonnent des hommes pour des relations homosexuelles librement consenties sur la base d’examens anaux que les forces de police forcent les suspects à subir. Ces examens n’ont aucun fondement scientifique et constituent une forme de traitement cruel, inhumain et dégradant pouvant s’apparenter à un acte de torture. Depuis la déclaration en novembre 2015 de l’état d’urgence, toujours en vigueur, les autorités ont arbitrairement restreint la liberté de mouvement de centaines de Tunisiens.
Le gouvernement devrait prendre les mesures suivantes :
- Décréter un moratoire sur l’application d’articles du code pénal érigeant en infraction la liberté d’expression et les comportements homosexuels, en attendant l’abrogation par le Parlement de ces articles ;
- Émettre des directives notifiant à la police judiciaire que la détention provisoire devrait être une exception, et non la règle, et ne jamais être appliquée lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction pour laquelle n’est pas prévue de peine de prison ;
- Ordonner aux forces de police, sous peine de sanctions disciplinaires, d’exécuter les citations à comparaître pour ceux de ses membres qui sont accusés de crimes et les contraindre à comparaître au tribunal ;
- Veiller à ce que toutes les restrictions que l’exécutif impose à la liberté de mouvement dans le cadre des efforts de lutte antiterroriste soient justifiées par écrit, limitées dans le temps, soumises à un contrôle judiciaire significatif et puissent faire l’objet d’un appel ;
- Publier, au Journal officiel, le rapport final de l’Instance Vérité et Dignité, qui documente des décennies de violations des droits des personnes en Tunisie, et mettre en œuvre les principales recommandations de la commission sur les réformes des secteurs de la sécurité et de la justice ;
- Veiller à l’application effective de la loi sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et allouer un budget suffisant à cette fin ;
- Assurer le retour des familles des combattants tunisiens de l’État islamique bloqués en Libye, en Syrie et en Irak.