La campagne pour le référendum en Turquie sur le renforcement des pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan s’est déroulée dans des conditions inéquitables, a estimé lundi une mission commune d’observateurs de l’OSCE et du Conseil de l’Europe.
« Le référendum s’est déroulé sur un terrain inégal et les deux camps en campagne n’ont pas bénéficié des mêmes opportunités », a déclaré Cezar Florin Preda, le chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE).
La campagne pour le référendum a été marquée par une large domination du camp du « oui » dans l’espace public et les médias, pour la plupart acquis au président Erdogan.
« Des modifications tardives dans la procédure de comptage (des voix) ont supprimé un important garde-fou » contre les fraudes, a par ailleurs relevé Cezar Florin Preda, faisant allusion à la décision des autorités électorales d’accepter les bulletins non estampillés du sceau officiel.
Les deux principaux partis de l’opposition turque, le CHP (social-démocrate) et le HDP (prokurde), ont dénoncé cette mesure prise par le Haut-Conseil électoral (YSK) de valider ces bulletins, annonçant leur intention de déposer un recours.
Tana De Zulueta, de la délégation de l’OSCE, a précisé à l’AFP que les observateurs de la mission n’avaient pas obtenu d’évaluation du nombre des bulletins concernés par cette mesure, l’YSK disant ne pas les avoir comptabilisés à part.
« Nous ne parlons pas de fraudes. Nous n’avons aucune information sur ce sujet », a souligné M. Preda, ajoutant que cela ne relevait « pas de notre compétence ».
« Globalement, le référendum n’a pas été à la hauteur des critères du Conseil de l’Europe », a-t-il toutefois noté, avant d’ajouter que « le cadre légal était inadéquat » pour aboutir à « un processus véritablement démocratique ».
Le responsable de l’APCE a notamment relevé le fait que le référendum avait été organisé en plein état d’urgence, en vigueur depuis un putsch avorté en juillet.
Mme de Zulueta a en outre affirmé que la campagne avait été « ternie par des propos de hauts responsables qui ont assimilé les partisans du non à des sympathisants des terroristes ».
Le président Erdogan a plusieurs fois affirmé pendant la campagne que les partisans du « non » au référendum faisaient le jeu des « organisations terroristes et des putschistes ».
La mission a par ailleurs constaté que certains électeurs n’avaient pu se rendre aux urnes dans le sud-est en majorité kurde de la Turquie, région dans laquelle se déroulent des combats quasi-quotidiens entre l’Etat et les séparatistes kurdes.
L’ONU a évalué en mars à entre 355.000 et 500.000 le nombre des personnes déplacées dans le sud-est. Or, selon Mme de Zulueta, certaines de ces populations déplacées n’ont pas pu s’inscrire sur des registres électoraux ou accéder à leur bureau de vote.