Bruxelles (Reuters) – L’Union européenne a annoncé mardi soir qu’elle ne renégocierait pas l’accord de divorce conclu avec le Royaume-Uni que les députés de la Chambre des communes ont rejeté une seconde fois, renforçant simultanément la probabilité d’un Brexit sans accord.
Listening to debate in @HouseofCommons : there seems to be a dangerous illusion that the UK can benefit from a transition in the absence of the WA.
Let me be clear: the only legal basis for a transition is the WA. No withdrawal agreement means no transition.— Michel Barnier (@MichelBarnier) March 12, 2019
A 17 jours de la date prévue du Brexit, les députés britanniques de la Chambre des communes ont rejeté mardi soir par 391 voix contre 242 l’accord de retrait que leur présentait pour la seconde fois Theresa May, plongeant le Royaume-Uni dans une crise politique d’une gravité sans précédent depuis plusieurs générations.
Now @JunckerEU @MichelBarnier briefing @Europarl_EN #Brexit Steering Group on agreement with @theresa_may. @guyverhofstadt @ElmarBrok_MEP @gualtierieurope @danutahuebner @ph_lamberts @GabiZimmerMEP pic.twitter.com/PdNcEmEjgj
— Margaritis Schinas (@MargSchinas) March 11, 2019
La sanction est moins lourde que le 15 janvier dernier, quand l’accord de retrait avait été balayé par 432 voix contre 202, mais elle laisse la Grande-Bretagne dans la plus profonde incertitude sur l’issue d’un processus amorcé par le référendum du 23 juin 2016.
1/ #Brexit Le vote de ce soir aux Communes est une mauvaise nouvelle. L'UE a donné toutes les assurances possibles en plus de l'accord de retrait. Nous sommes arrivés au bout de la négociation sur le retrait car nous devons protéger les intérêts des Européens.
— Nathalie Loiseau (@NathalieLoiseau) March 12, 2019
« Si ce vote n’est pas acquis ce soir, si cet accord n’est pas entériné ce soir, alors cela pourrait en être fini du Brexit », avait pourtant prévenu la Première ministre britannique, s’exprimant d’une voix cassée lors des débats préalables au vote.
En May fais ce qu’il te plaît… #brexit pic.twitter.com/IglUvx0mWk
— Max Renn☨ (@rennmaxx) March 12, 2019
Mais les députés pro-Brexit de son Parti conservateur, regroupés au sein de l’ERG (European Research Group), de même que les unionistes nord-irlandais du DUP, dont dépend la majorité parlementaire du gouvernement, avaient annoncé qu’ils voteraient contre le plan amendé présenté par May à la suite de sa rencontre lundi soir à Strasbourg avec Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne.
EU washes hands of Brexit deal: 'We have done all that is possible’ https://t.co/CJwhCaTQfN
— Jon Stone (@joncstone) March 12, 2019
« L’UE a fait tout ce qu’elle pouvait pour aider à faire adopter l’Accord de retrait », a commenté Michel Barnier, le négociateur en chef des Européens, à l’annonce des résultats du vote des parlementaires britanniques. « L’impasse ne peut être réglée qu’au Royaume-Uni. Nos préparatifs en vue d’un ‘no deal’ sont désormais plus importants que jamais », a-t-il ajouté sur Twitter.
Dans des déclarations soigneusement coordonnées, le président du Conseil européen, Donald Tusk, et la Commission européenne ont noté que l’UE avait « fait tout ce qui est possible pour parvenir à un accord ». « Il est difficile de voir ce que nous pourrions faire de plus », a ajouté le porte-parole de Tusk. « A seulement 17 jours du 29 mars, le vote de ce jour a significativement accentué la probabilité d’un Brexit sans accord. »
La veille à Strasbourg, où il s’était accordé avec Theresa May sur un aménagement de la question du « backstop » nord-irlandais, cette clause de sauvegarde censée éviter un retour à une frontière physique en Irlande qui focalise la colère des Brexiters, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, avait prévenu: « Il n’y aura pas de troisième chance, pas d’interprétation sur les interprétations, pas d’assurance sur les assurances. »
Les Européens, qui ont souligné dans leur ensemble que la solution se trouvait désormais à Londres, s’attendent désormais à ce que la Première ministre britannique leur demande un report de la date prévue pour le divorce, actuellement fixée au 29 mars au soir, afin d’éviter un Brexit sans accord dont les milieux d’affaire redoutent qu’il soit un “saut dans le vide” aux conséquences lourdes.
« S’il devait y avoir une demande raisonnée de la part du Royaume-Uni en faveur d’une extension (de la date du Brexit), les Vingt-Sept l’examineront et décideront à l’unanimité », a souligné le porte-parole de Donald Tusk, ajoutant que les Européens réclamaient une « justification crédible » et qu’un éventuel report de la date du divorce ne devrait pas perturber les élections au Parlement européen qui auront lieu entre les 23 et 26 mai.
Les ambassadeurs des Vingt-Sept doivent se réunir mercredi matin à 09h00 (08h00 GMT) pour faire le point sur la situation.
« Le cirque itinérant de Theresa May »
Si un court report du Brexit est acceptable aux yeux des Vingt-Sept, rares sont ceux qui pensent qu’il suffira à dénouer les blocages qui paralysent le gouvernement britannique, le Parlement et la société tout entière. Illustrant l’exaspération qui ne cesse de monter à Bruxelles, près de trois ans après le référendum de juin 2016 par lequel les Britanniques se sont prononcés à un peu moins de 52% en faveur d’un divorce avec l’UE, un diplomate européen constatait mardi soir: « De quelle crédibilité May dispose-t-elle encore ? Pourquoi les dirigeants de l’UE s’engageraient encore avec elle après ce nouvel échec ? Cela doit vraiment cesser. »
Plus optimiste, Simon Coveney, ministre irlandais des Affaires étrangères, a pour sa part lancé un appel à la « patience et au calme » afin que le processus se poursuive au Parlement de Westminster, où un nouveau vote aura lieu dès mercredi sur l’opportunité de quitter l’UE sans accord à la date prévue du 29 mars.
Si, comme on s’y attend, les députés rejettent la perspective d’un ‘No Deal’ le 29 mars, qui effraie les milieux d’affaires de la cinquième puissance économique mondiale, un troisième vote aura lieu jeudi sur un report « court et limité » de la date du Brexit.
Pour le député européen Philippe Lamberts, une alternative simple se présente désormais à la Grande-Bretagne: soit elle organise un second référendum sur le Brexit, soit elle revient sur les « lignes rouges » fixées par Theresa May et accepte l’idée de rester au sein de l’union douanière européenne après son départ.
« L’UE est allée jusqu’au bout pour tenter de satisfaire aux lignes rouges du gouvernement britannique. Nous ne pouvons pas continuer d’assister en témoin au cirque itinérant de Theresa May vers Bruxelles, Londres, Dublin et Strasbourg, tandis que le Parlement de Westminster est incapable de s’accorder avec lui-même.»