Les Croates étaient sous le choc mercredi après avoir vu en direct un ancien haut responsable croate de Bosnie s’empoisonner dans une salle d’audience du Tribunal pénal international (TPIY) à La Haye, au moment de son verdict.
Le geste de Slobodan Praljak « illustre surtout la profonde injustice morale envers les six Croates de Bosnie, dont Praljak, condamnés mercredi par le TPI », a déclaré le Premier ministre croate Andrej Plenkovic lors d’une conférence de presse. Et cette injustice, selon lui, s’étend au peuple croate.
« Praljak n’est pas un criminel, je rejette votre verdict », a déclaré M. Praljak, debout, avant de sortir une fiole de sa poche et d’en avaler le contenu devant les juges du TPI. Son avocat a aussitôt indiqué qu’il s’agissait de « poison ». L’accusé a commis cet acte juste après la confirmation par le tribunal de sa condamnation à 20 ans de prison.
Ce drame s’est produit au cours d’une audience en appel qui concernait six ex-dirigeants et chefs militaires des Croates de Bosnie, accusés notamment de crimes de guerre durant le conflit croato-musulman (1993-1994) qui a éclaté durant la guerre en Bosnie (1992-1995).
A Mostar, ville du sud de la Bosnie qui avait été défigurée par le conflit croato-musulman, ce verdict a été attentivement suivi dans une salle où s’étaient réunis d’anciens combattants bosniaques musulmans.
Et ces hommes qui ont combattu les forces croates de Bosnie ne partagent pas l’avis du Premier ministre croate.
Quand il voit Praljak boire sa fiole, Almir Zahilic, qui fut détenu dans les camps de prisonniers des Croates de Bosnie, vaguement inquiet, lâche « Oh là…. C’est de l’alcool », dit un autre.
« C’est un metteur en scène », dit un troisième, évoquant le passé de directeur de théâtre de Praljak.
Mais les médias croates ont rapidement annoncé le décès de Slobodan Praljak, tandis que la présidente Kolinda Grabar-Kitarovic interrompait « en urgence” une visite officielle en Islande. Elle l’avait publiquement soutenu la semaine dernière.
« Il (Praljak) a ainsi montré à quel sacrifice il était prêt pour montrer au monde que Slobodan Praljak n’était pas un criminel de guerre », a déclaré Dragan Covic, membre croate de la présidence tripatrite de Bosnie. « C’est une humiliation pour le TPI », a ajouté le responsable croate.
Ce drame va encore détériorer l’image de la justice internationale auprès des Croates, qu’ils soient de Bosnie ou de Croatie.
A Zagreb, beaucoup ne digèrent pas le « concept d’entreprise criminelle commune » dont se seraient rendus coupables les accusés, avec l’accord des plus hautes autorités du pays, à commencer par l’ancien président Franjo Tudjman, le « père de la nation », mort en 1999.
C’est cette image d’une guerre héroïque de libération qui se résumerait à une légitime défense contre une agression venue de Belgrade, qu’entendait défendre la semaine passée Kolinda Grabar-Kitarovic, dans un message lu lors d’une promotion du livre « Général Praljak ».