Très cher, Je t’écris cette lettre avant de te dire au revoir. Oui je m’en vais. Je suis profondément triste de te quitter ainsi. Mais je n’ai plus le choix. Je ne peux plus sombrer dans le noir avec toi et je ne peux malheureusement plus t’aider.
Je ne suis qu’une goute d’eau dans l’océan. Il faudrait que tu me comprennes. J’ai 26 ans, je dois penser à mon avenir, à bâtir une carrière, ma place n’est plus ici, pas maintenant.
J’ai vécu dix ans en France. J’ai fait mes études à Paris. Je suis revenue il y a un an à peine de cela. Je pensais vraiment qu’on allait faire quelque chose ensemble.
Que j’allais réaliser mes rêves avec toi. Mais tout cela est vain : je n’ai plus d’espoir. Je sais, tu souffres, et crois-moi, je souffre avec toi. C’est pour cela je dois partir.
Tu penses que je t’abandonne, en fait on t’a abandonné il ya bien longtemps de cela, avant même que je ne revienne chez toi. On ne te regarde plus, on ne t’aime plus.
Tu es délaissé, tu es fatigué de ces trahisons et abondons. On te tourne le dos, et ton silence montre ton désespoir, tu endures encore, comme tu as enduré pendant vingt ans.
Ne pleure pas, je sais, ton peuple est égoïste, il faut lui pardonner de ne penser qu’à son plaisir. Pendant que tu trépasses, il fuit vers les montagnes de Fakhra et Faraya. C’est bien ton peuple le plus grand fautif de ta pénitence.
Ta classe politique ? Des hommes emplis de haine, aveuglés par le pouvoir. Au lieu de se battre et de s’unir pour toi mon cher et fidèle, ils se contentent de te regarder disparaître, parce que l’homme est rempli d’amertumes et de vices. Que te reste-t-il ?
Voilà que les choses se compliquent. Un groupe qui au nom d’Allah, a attiré l’un de tes prédateurs. Que va-t-il t’arriver maintenant ? Ce voisin- là t’a toujours envié. On dit que la jalousie peut nuire. Peut-être parce que l’on t’appelait la « Suisse « du moyen Orient ? Parce que tu es tellement beau !
Tu captive si facilement, par ta culture orientale/occidentale, par ta joie de vivre, ton sens des affaires, ton accueil si chaleureux… Ton paysage monumental et ton climat agréable. Si petit et pourtant riche !
On a balancé une pierre sur ton voisin. Des inconscients l’ont réveillé. Il attendait cela depuis longtemps. Maintenant tu es en guerre et tu n’as rien pour te défendre. Ton armée ne peut te protéger. Tu cries, tu vois la mort, tu t’écroules petit à petit, tu saignes, ton sang coule en abondance et personne n’est là pour tes appels au secours. Le monde te regarde, mais n’agit pas.
Martyr que tu es ! Tu vois des femmes, des enfants mourir, des sans-abri, des villes détruites, des personnes sans travail. Sache que ton peuple est hypocrite. Tu es entouré de convoiteurs qui te veulent du mal. Mon Dieu ! Si seulement je pouvais faire quelque chose pour toi. Pour te sauver.
Je ne peux hélas que transmettre mon message au nom de toutes les personnes qui pensent comme moi. Et j’espère plus que tout, que ce message n’ira pas aux oubliettes.
J’aimerais que l’on m’écoute, que l’on entende mon cœur gémir, que l’on pardonne la haine qui m’envahit. Oui, je pleure pour toi et mes larmes sont sincères. Je ne peux plus te regarder comme ça. Je ne peux plus sombrer avec toi. Je t’aime, je t’ai toujours aimé et je t’aimerais toujours, mais laisse-moi partir, je t’en prie pardonne-moi, mais je dois vivre et je ne peux plus te regarder mourir comme ça.
Mais je reviendrais, je te promets. Je serais plus forte et je sais que tu te relèveras comme tu l’as toujours fait. Tu es mon Liban, Mon pays, ma racine.
Par WAZEN Shirley, écrite le 03 août 2006 lors du conflit israélo-libanais de 2006 (appelé aussi la « Guerre des Trente-trois-jours »), un autre épisode du conflit israélo-arabe, qui a opposé Israël au Liban (principalement le Hezbollah de Hassan Nasrallah, et dans une moindre mesure l’armée libanaise) à compter du 12 juillet 2006. Une trêve correspondant à la résolution 1701 de l’ONU est intervenue le 11 août, au plus fort des combats.