Tous feux éteints, le navire de la Garde maritime scrute le large dans un silence total. Au loin se trouve l’Italie, origine et destination de multiples trafics à bord de vedettes ultra-rapides qui inquiètent la Tunisie.
Depuis sa cabine de pilotage, le commandant Mohamed Naceur scrute les écrans des radars. Avec son équipage de la Garde nationale maritime tunisienne, il est à la recherche de trafiquants d’un nouveau genre. Pour mener leur trafic, ils utilisent des vedettes ultra-rapides entre la Tunisie et l’Italie toute proche.
« Nous avons fait échouer des opérations dans lesquelles des Tunisiens en provenance du nord de la Méditerranée étaient impliqués. Ils viennent seuls et on trouve des devises, des cigarettes, » déclare le commandant Naceur.
Entre fin 2016 et début 2017, cinq vedettes suspectes en provenance d’Italie ont été repérées au large de la Tunisie, mais sont parvenues à s’enfuir. Récupérer ou décharger les marchandises (…) et filer vers les eaux internationales (…) peut prendre 15 minutes. Depuis longtemps, des migrants prennent la mer en direction de l’Italie depuis la Tunisie.
Mais ces derniers mois, de nouveaux trafics ont émergé, cette fois dans le sens nord-sud. En mars 2017, les gardes-côtes tunisiens ont mis la main sur plus de 31 kilos de cocaïne, largués dans les eaux tunisiennes par une vedette rapide.
« Avec cette opération et avec nos investigations sur ce nouveau phénomène qui a commencé à émerger surtout depuis l’année écoulée, nous prévoyons d’autres opérations, puisqu’il y a des quantités aussi importantes, donc on doit s’adapter à ce nouveau danger, » raconte un membre de la garde nationale maritime de la Goulette.
La révolution de 2011, qui a renversé le régime de Ben Ali, a laissé place à un vide sécuritaire. Et des trafiquants en tous genres s’y sont engouffré. Radhouane Erguez est directeur du département économique et social pour l’ONG « Joussour ».
« Il y avait une sorte de contrat tacite entre les contrebandiers et les proches du régime. C’est-à-dire les circuits de la contrebande étaient bien connus et bien maîtrisés par les proches du régime. Et de ce fait-là, il n’y avait pas de contrebande d’armes et de drogue. C’était presque une condition du contrat. »
D’après les gardes-côtes, des réseaux internationaux ont pu installer des antennes en Tunisie, profitant des bouleversements politiques.
Les eaux tunisiennes sont divisées en quatre districts. Celui du nord-est est le plus visé par les trafiquants, surtout en provenance d’Italie, compte tenu de la proximité entre les deux pays : environ 150 km séparent la Tunisie de la Sicile.